POUR FAIRE « 1 SALON, 2 MUSICIENS »,
IL FAUT… UN SALON ET DEUX MUSICIENS.

Le salon, ce sont des habitants du quartier des Dervallières à Nantes qui l’ont fourni, avec canapé, fauteuils et invités. Parfois, des associations du quartier ont pris le relais. Parmi les deux musiciens, il y a – toujours – Sébastien Boisseau. Qui, pour dialoguer avec sa contrebasse, invite un instrumentiste avec qui il pressent que l’échange sera fécond(1). Deux musiciens donc, qui, sans annoncer la couleur (surtout, ne pas faire peur !)
se lancent dans une création en direct. De la musique improvisée, un genre musical qui doit se situer au même niveau que la musique contemporaine sur l’échelle imaginaire de l’élitisme !

Pour déconnecter les préjugés, le duo dispose de plusieurs armes. Parmi celles-ci, la familiarité : invités chez un ami, un proche, un voisin, les auditeurs sont dans un environnement conçu pour se sentir à l’aise. En ouvrant la discussion après chaque morceau, en suscitant les questions, Sébastien Boisseau en rajoute encore dans la mise en relation.

Il y a aussi ce mélange de sensibilité, de connaissances, de maîtrise technique, de travail et d’imagination qu’on résume sous le mot de talent. La musique improvisée telle que la créent les duos des « Salons » c’est, vraiment, de la musique. C’était l’objectif de Sébastien Boisseau, ça n’était pas gagné d’avance.

Mais l’atout majeur d’« 1 salon, 2 musiciens », c’est la proximité. L’auditeur est assis à un mètre à peine de la contrebasse. La musique, il la sent vibrer dans sa cage thoracique, et la colle des étiquettes ne résiste pas à la puissance des sensations ainsi produites. Je pense que la proximité a aussi de l’influence sur les musiciens qui participent à l’expérience. Très à l’écoute l’un de l’autre (indispensable pour improviser ensemble), ils sont aussi en prise directe avec les réactions, le ressenti du public qui est là, sous leur nez. Cette proximité leur met une pression qui les préserve de l’entre-soi, de l’aventurisme inaudible, du « private joke », de la « musique pour musiciens ».

Dans ces conditions, la musique improvisée qu’ils produisent est non seulement maîtrisée, elle est aussi très souvent lyrique, « chantante », et procure le plaisir d’écoute qui permet d’aller plus loin encore…
L’un des déclencheurs des Salons, c’est l’installation de Yolk à la « Fabrique » du quartier des Dervallières dans une école que la ville de Nantes a transformée en ruche et pépinière artistique. Sans cahier des charges contraignant, mais avec l’idée qu’installer des musiciens et un label de jazz dans un quartier d’habitat social pouvait produire des rencontres improbables.
Des rencontres dont témoignent les photographies que Toinette a réalisées lors de chaque Salon, mettant en scène la personne accueillante, Sébastien, sa basse, et le musicien invité.

Cette première série de 20 Salons dans le quartier des Dervallières a fait naître beaucoup d’émotions et fait souffler un vent frais dans bien des têtes. Elle a aussi produit une belle matière artistique à quoi il ne faut surtout pas oublier de se référer. D’où l’idée du CD qui accompagne la restitution de ce travail. Des enregistrements réalisés sur le vif, lors de tel ou tel Salon ou d’autres créations instantanées fixées sur tel ou tel album du catalogue Yolk. Dans tous les cas, de la musique improvisée : même pas peur !

Thierry Mallevaës
journaliste, président de Yolk

(1) Matthieu Donarier (clarinette, saxophones), Will Guthrie (batterie), David Chevalier (guitares, théorbe, banjo), Guillaume Hazebrouck (clavier Fender Rhodes), Jean-Louis Pommier (trombone), Tom Arthurs (trompette), Alban Darche (saxophone), Samuel Blaser (trombone), Manu Adnot (guitare)